Le 14 mai 2022, la coalition Wakit Tama a organisé une manifestation à N’Djamena et dans d’autres villes du Tchad, appelant au retrait de l’armée française. Cette mobilisation, initialement autorisée par le gouvernement, a rapidement dégénéré en actes de vandalisme, notamment contre des stations de carburant françaises. Les slogans tels que « Non à la France » et « France dégage » tout en brandissant le drapeau Russe, témoignent d’un profond ressentiment envers la présence militaire française, perçue par une partie de la population comme une ingérence néocoloniale.
La réaction du gouvernement tchadien, par le biais du ministre de la Sécurité de l’époque, Dokony Adiker, a été de condamner les violences et d’arrêter des leaders de la marche, dont le professeur Allamine Adoudou. Cette réponse souligne une tension entre la volonté de contrôler l’ordre public et l’incapacité de gérer le mécontentement populaire croissant.
Le gouvernement semble être piégé entre la nécessité de répondre aux aspirations nationales et le maintien de relations avec la France, un partenaire crucial dans le domaine de la sécurité.
Me Max Loalngar, porte-parole de Wakit Tamma, a exprimé sa satisfaction quant à la mobilisation citoyenne, mettant en avant la diversité des participants. Malgré des dissociations de certains groupes, comme les Transformateurs, cette manifestation a réussi à rassembler une large frange de la population tchadienne, illustrant une volonté collective de remettre en question les relations avec la France.
Le défunt opposant Yaya Dillo avait déjà exprimé des critiques virulentes contre la présence française au Tchad, qualifiant cette relation d’origine de nombreux maux. Son héritage semble résonner dans les revendications actuelles, soulignant un désir d’autonomie et de souveraineté nationale face à une puissance perçue comme oppressante.
La récente annonce du ministre des Affaires étrangères, Abdraman Koullamallah, mettant fin aux relations sécuritaires avec la France, constitue un tournant significatif. Cette décision, survenue après la visite du ministre français Jean-Noël Barrot, a surpris tant la population tchadienne que l’Élysée. Elle pose la question de la stratégie du président Emmanuel Macron, qui a exprimé sa volonté de négocier.
La rupture des liens sécuritaires pourrait être interprétée comme une réponse aux pressions internes et à un changement dans le climat politique.
La question demeure : si le Tchad se dirige vers une rupture avec la France, pourquoi continuer à condamner ceux qui réclament ce changement ?
La réponse réside peut-être dans un dilemme politique : maintenir l’ordre tout en essayant de satisfaire une population de plus en plus vocalisée sur sa souveraineté.
La situation actuelle est révélatrice des tensions entre aspirations populaires et réalités géopolitiques, et il reste à voir comment le gouvernement tchadien naviguera dans cette complexité.