
Dans les rues de N’Djamena, une activité singulière occupe de nombreux jeunes, c’est celle de la collecte des objets métalliques. Ce phénomène, en pleine expansion, révèle à la fois la débrouillardise des jeunes tchadiens et les défis auxquels ils font face, entre quête de revenus, abandon scolaire et conflits de voisinage.
Sous le soleil accablant de N’Djamena, un groupe de jeunes sillonne les quartiers avec des sacs sur le dos et des charrettes. Leur objectif est de récupérer tout objet métallique abandonné, des boîtes de conserve rouillées. Si cette activité semble anodine, elle traduit une réalité complexe.
Depuis quelques années, la collecte d’objets métalliques est devenue une véritable stratégie de survie pour de nombreux jeunes tchadiens, souvent issus de familles pauvres. Face au chômage et à la précarité, cette activité permet à certains de subvenir à leurs besoins. « Je peux gagner entre 2000 et 3000 FCFA par jour, parfois plus si je trouve de gros objets comme des tôles ou des pièces de moteurs », explique Mahamat, 17 ans, qui a quitté l’école à 15 ans pour se consacrer à cette activité.
Mais cette débrouillardise a un coût. De nombreux jeunes abandonnent les bancs de l’école pour arpenter les rues. Aristide, âgé de 14 ans, raconte qu’il a arrêté l’école en classe de CM2 parce que ses parents n’avaient plus les moyens de payer ses fournitures scolaires et inscription. Il s’est consacré à cette activité pour s’occuper de sa famille. « Maintenant, je collecte des fers pour aider mes parents.», se confie-t-il.
Ce phénomène ne se limite pas à la collecte d’objets abandonnés. Certains jeunes n’hésitent pas à s’attaquer aux biens de leurs voisins, provoquant ainsi des conflits. Oumar, un habitant du quartier de Diguel, témoigne qu’il a surpris un jeune qui voulait enlever sa fenêtre pour vendre. « Un jour, j’ai surpris un jeune essayant de retirer une grille de ma fenêtre. Ils sont prêts à tout pour revendre le fer. », raconte-t-il.
Hamid, un autre victime de vol de ces fers, confirme qu’à fois les pièces de voiture en panne, disparaissent quand il est absent. Un jour, il a décidé de rentrer tôt et il a surpris trois jeunes qui détachaient les pièces. Il a appelé les policiers et ces voleurs ont été arrêtés. Il est contre cette activité, parce qu’elle pousse ces jeunes à être des voleurs.
« J’ai été plusieurs fois victimes de vols des pièces de ma voiture qui a connu une petite panne et j’ai garé pour la réparer. À chaque fois, je remarque qu’il n’y a pas certaines pièces. Un jour, j’ai décidé de rentrer tôt chez moi, c’est là où j’ai surpris trois jeunes entrain de détacher d’autres pièces. J’ai appelé aussitôt les policiers et ils ont été arrêtés.Je n’encourage pas ce genre d’activités, car elles poussent les jeunes à devenir des voleurs et délinquants. », déplore Hamid.
Les objets collectés sont revendus à des intermédiaires ou directement à des ateliers de soudure et de fabrication, où ils seront transformés en pièces réutilisables.
Moussa, un soudeur se réjouit de cette activité, car d’après lui, ces jeunes apportent de bonnes matières premières et il achète au moins cher pour fabriquer ses objets.
« ces jeunes nous aident à avoir des matières premières à bon prix. Ce qui me permet de fabriquer mes objets. Mais, dans les marchés, c’est cher. », reconnaît Moussa.
Si la collecte des objets métalliques permet à certains jeunes tchadiens de s’émanciper financièrement, elle reflète également les fractures sociales et éducatives du pays. Ce phénomène, bien que porteur d’espoir pour ces jeunes entrepreneurs de rue, soulève des questions sur les solutions à apporter pour leur offrir des alternatives durables, loin des ruelles poussiéreuses de N’Djamena.